J’ai diffusé ici il y a quelque temps, une lettre du même adressée à son père. Rappelons que son auteur était alors capitaine aide-de-camp du général Doumerc.
Oulianovitschi, le 4 novembre 1812.
Il est midi, ma chère et bonne Gabrielle, et cependant je suis obligé de t’écrire à la lumière. C’est te donner une idée du charmant local qui nous sert de quartier-général. Nous sommes dans une baraque de paysan depuis avant-hier, et dans ce joli pays les habitants des campagnes sont logés dans des fours à peine ouverts à la lumière du jour. Cependant un général qui commande deux divisions de cavalerie se trouve fort heureux d’y être à l’abri du froid. Depuis que nous avons quitté Sollenista dans les environs de Polotsk, il nous est arrivé toute sorte de désagréments ; nous avons été presque continuellement aux prises avec l’ennemi ; dans ces différentes affaires la division s’est parfaitement distinguée, mais elle a beaucoup souffert ; reste à savoir à quoi cela aboutira, je ne sais encore rien. Je t’ai mandé que j’avais la croix [il l’avait obtenu le 25 septembre 1812]. Cette nouvelle dignité m’a fait le plus grand plaisir et me rattache de nouveau à mon général ; il a mis tant d’obligeance à me remettre le brevet de cette décoration que je n’ai pu m’empêcher d’y être infiniment sensible.
J’espère d’ailleurs que je n’en resterai pas là et que la fin de la campagne me donnera une autre épaulette. Malheureusement cette guerre ne nous paraît pas être encore prête d’être terminé. Ce ne sera rien si nous prenions des quartiers d’hiver, car faire, en ce pays, une campagne dans le mois de janvier, ce doit être une chose pénible.
Je t’embrasse de tout mon cœur.
A.V.